Le Bassin de la Sambre, site historique de la sidérurgie française

Le Bassin de la Sambre, site historique de la sidérurgie française

Le bassin de la Sambre est resté un territoire isolé jusqu’au XVIIIe siècle. Les chemins sont impraticables en hiver. Il faut attendre 1738 pour que soit pavée la route qui menait de Valenciennes à Maubeuge. Néanmoins, dès le XVIIe siècle, le Hainaut français voit éclore une multitude d’ateliers où l’on travaille le métal : forges, fonderies, clouteries, quincailleries, platineries…
Les maîtres des forges sont nombreux. De vraies dynasties voient le jour comme les Polchet, les Morin, les Despret, les De Merode. On trouve, entre autres, une fabrique d’armes à Maubeuge, une cuirasserie à Cousolre, une platinerie à Villers-Sire-Nicole. Entre 1974 et 1984, les emplois dans la sidérurgie se réduisent de façon drastique
Il faut attendre le XIXe siècle, l’année 1836 précisément, pour qu’on fasse enfin de la Sambre un canal. Ce sera le coup d’envoi, pour le bassin, de la grande industrialisation.

C’est en 1837, que la puissante société anonyme des Hauts Fourneaux du Nord fonde à Sous-le-Bois, à l’angle de la Flamenne et de la Sambre, deux hauts fourneaux pour la fabrication de la fonte brute. Les minerais de fer sont extraits à Ferrière, Glageon, Ohain. Bien que toutes ces villes soient proches des usines sidérurgiques, on tente néanmoins de réduire les coûts d’exploitation en effectuant des sondages à proximité des hauts fourneaux.

Les effectifs passent de 157 000 à 92 400, soit une baisse de plus de 41 %. Non seulement, avec l’arrivée massive des matières plastiques, la demande d’acier mondiale baisse mais le Brésil, la Corée font une concurrence sauvage à l’acier français. Après le charbon, le textile, c’est au tour de la sidérurgie d’être sinistrée.
Des minières sont creusées. La main d’œuvre est à cette époque moins coûteuse en Belgique et bon nombre de Belges, principalement des Liégeois, viennent s’établir dans le bassin de la Sambre. Les paysans du coin délaissent les champs pour se faire ouvriers. Des dizaines et des dizaines d’ateliers de fabrication se créent : instruments agricoles, fers marchands, machines-outils, pièces moulées en fonte, tubes, raccords, rails… Les 3 secteurs qui faisaient du Nord le cœur de la France industrielle depuis la fin du XIXe siècle périclitent.  Les pertes d’Usinor s’élèvent en 1981 à 9 milliards de francs et celles de Sacilor à 2,8 milliards ! [4]
Les effectifs dans la sidérurgie chutent en 1987 à 58 000.
Sous-le-Bois : Le Tilleul

Sous-le-Bois : Le Tilleul (Archives municipales – Ville de Maubeuge)

En 1843, l’usine du Tilleul est bâtie à Sous-le-Bois. Un an plus tard, son premier laminoir voit le jour. Un deuxième sera construit, en 1857, à l’usine de L’Espérance. On croise désormais dans les rues, outre des travailleurs belges, des travailleurs polonais, luxem-bourgeois, hollandais... L’usine de la Renaissance se lance en 1870 dans la fabrication de tubes. A cette époque, sur les 25 hauts fourneaux que compte le Nord-Pas de Calais, 15 se trouvent à Sous-le-Bois.

Après la mine, la sidérurgie imprime sa marque aux paysages du Nord. Les hautes cheminées, les bâtiments d’usine, gravent à jamais dans la mémoire des hommes l’image d’un monde rude et industrieux. L’essor est considérable. Partout, on a besoin de main d’œuvre. Désormais, "sur les deux flancs de la vallée de la Sambre s’étale le pays du fer et de l’acier". [2]

"Les chemins d’alors, recouverts des crasses des usines, étaient de véritables fondrières

"Les femmes elles-mêmes devaient chausser de grandes bottes". [3] Eugène-François de Dorlodot, le fondateur de l’usine du Tilleul et René Hamoir, le directeur des Hauts Fourneaux du Nord, devenus entre-temps les Hauts Fourneaux de Maubeuge, s’entendent pour tracer les plans d’une véritable agglomération qui deviendra le socle du Sous-le-Bois moderne.

On recensera 7 638 habitants en 1906. La population de Sous-le-Bois dépasse alors celle de Maubeuge intra-muros. Elle est redescendue actuellement à moins de 4 500 habitants.

La sidérurgie restera longtemps le fer de lance de l’industrie française. Le pays est encore en 1929 au 3e rang mondial pour la production d’acier et de fonte. A partir des années 60, avec l’émergence de nouveaux pays producteurs, aux coûts moindres, il n’est plus rentable d’exploiter les gisements français. Puisque le minerai est désormais amené par bateau, de nouvelles installations  sont créées à proximité des ports. C’est ce que l’on va appeler "la sidérurgie sur l’eau", à l’image des complexes sidérurgiques de Dunkerque qui rapidement rendront obsolètes les sites du bassin de la Sambre. L’émotion est encore forte, des années après.
Thérèse, 79 ans, ancienne dactylo à l’usine Frangeco se rappelle "comme si c’était hier" du flot de mobylettes bleues, des Motobécanes précise-t-elle, qui sortaient toutes ensemble des usines après le long hululement des sirènes, à midi pile.
Rue des Laminoirs, rue des Hauts Fourneaux, rue des Usines, rue des Minières, place des Minières, rue des Boulonneries, rues des Clouteries, comment ignorer que Sous-le-Bois fut longtemps entièrement dédié au travail de l’acier…

Bibliographie
[1] Sous-le-Bois, une histoire de la classe ouvrière, Patrick Maruta - L’ACSÉ & L’Atelier théâtre 2011.
[2] Le Nord d’hier et de demain, Pierre Pierrard - Éditions Universitaires Jean-Pierre Delarge 1980
[3]  Histoire du Faubourg de Sous-le-Bois, Jean Mossay 1922
[4] La crise de la sidérurgie européenne 1974-1984, Yves Mény et Vincent Wright - Presse Universitaires de France 1985

 Sous-le-Bois : rue d'Haumont, entrée des usines du Tilleul

Sous-le-Bois : rue d'Haumont, entrée des usines du Tilleul
(Archives municipales - Ville de Maubeuge)